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distillée, & dans les trois autres de la potasse caustique étendue d'eau: la tarre de ces bouteilles & le poids de la liqueur alkaline qu'elles contiennent doivent être déterminés avec un très-grand soin. Tout étant ainsi disposé, on lute toutes les jointures, savoir celle B de la cornue au ballon, & celle D de la tubulure supérieure du ballon avec du lut gras recouvert de toile imbibée de chaux & de blanc d'œuf, & toutes les autres avec un lut de térébenthine cuite & de cire fondues ensemble.
On voit d'après ces dispositions que lorsqu'on a mis le feu sous la cornue A, & que la substance qu'elle contient a commencé à se décomposer, les produits les moins volatils doivent se condenser & se sublimer dans le col même de la cornue, & que c'est principalement-là que doivent se rassembler les substances concrètes: que les matières plus volatiles telles que les huiles légères, l'ammoniaque & beaucoup d'autres substances, doivent se condenser dans le matras GC; que les gaz, au contraire, qui ne peuvent être condensés par le froid, doivent bouillonner à travers les liqueurs contenues dans les bouteilles LL'L''L'''; que tout ce qui est absorbable par l'eau doit rester dans la bouteille L; que tout ce qui est susceptible d'être absorbé par l'alkali doit rester dans les bouteilles L'L''L''', enfin que les gaz qui ne sont absorbables ni par l'eau, ni par les alkalis, doivent s'échapper par le tube RM, à la sortie duquel ils peuvent être reçus dans des cloches de verre. Enfin ce qu'on appeloit autrefois le _caput mortuum_, le charbon & la terre comme absolument fixes, doivent rester dans la cornue.
On a toujours dans cette manière d'opérer une preuve matérielle de l'exactitude du résultat; car le poids des matières en total doit être le même avant & après l'opération: si donc on a opéré par exemple sur 8 onces de gomme arabique ou d'amidon, le poids du résidu charbonneux qui restera dans la cornue A après l'opération, plus celui des produits rassemblés dans son col & dans le matras GC, plus celui du gaz rassemblé dans la cloche M, plus enfin l'augmentation de poids acquise par les bouteilles L, L', L'', L'''; tous ces poids, dis-je, réunis doivent former un total de 8 onces. S'il y a plus ou moins, il y a erreur, & il faut recommencer l'expérience jusqu'à ce qu'on ait un résultat dont on soit satisfait, & qui diffère à peine de 6 ou 8 grains par livre de matière mise en expérience.
J'ai rencontré long-tems dans ce genre d'expériences des difficultés presqu'insurmontables, & qui m'auroient obligé d'y renoncer, si je ne fusse parvenu enfin à les lever par un moyen très-simple, & dont M. Hassenfratz m'a fourni l'idée. Le moindre ralentissement dans le degré de feu du fourneau, & beaucoup d'autres circonstances inséparables de ce genre d'expériences occasionnent souvent des réabsorptions de gaz: l'eau de la cuve rentre rapidement dans la bouteille L''' par le tube _x_'''RM: la même chose arrive d'une bouteille à l'autre, & souvent la liqueur remonte jusques dans le ballon C. On prévient ces accidens en employant des bouteilles à trois tubulures, & en adaptant à l'une d'elles un tube capillaire S_t_, _s't'_, _s''t''_, _s'''t'''_, dont le bout doit plonger dans la liqueur des bouteilles. S'il y a absorption soit dans la cornue, soit dans quelques-unes des bouteilles, il rentre par ces tubes de l'air extérieur qui remplace le vuide qui s'est formé, & on en est quitte pour avoir un petit mêlange d'air commun dans les produits; mais au moins l'expérience n'est pas entièrement manquée. Ces tubes peuvent bien admettre de l'air extérieur, mais ils ne peuvent en laisser échapper, parce qu'ils sont toujours bouchés dans leur partie inférieure _tt't''t'''_ par le fluide des bouteilles.
On conçoit que pendant le cours de l'expérience, la liqueur des bouteilles doit remonter dans chacun de ces tubes à une hauteur relative à la pression qu'éprouve l'air ou le gaz contenu dans la bouteille; or cette pression est déterminée par la hauteur & par le poids de la colonne de liquide contenu dans toutes les bouteilles subséquentes. En supposant donc qu'il y ait trois pouces de liqueur dans chaque bouteille, que la hauteur de l'eau de la cuve soit également de trois pouces au-dessus de l'orifice du tuyau RM, enfin que la pesanteur spécifique des liqueurs contenues dans les bouteilles ne differe pas sensiblement de celle de l'eau; l'air de la bouteille L sera comprimé par un poids égal à celui d'une colonne d'eau de 12 pouces. L'eau s'élevera donc de 12 pouces dans le tube S_t_, d'où il résulte qu'il faut donner à ce tube plus de 12 pouces de longueur au-dessus du niveau du liquide _ab_. Le tube _s't'_ doit par la même raison avoir plus de 9 pouces, le tube _s"t"_ plus de six, & le tube _s'''t'''_ plus de trois. On doit au surplus donner à ces tubes plus que moins de longueur à cause des oscillations qui ont souvent lieu. On est obligé dans quelques cas d'introduire un semblable tube entre la cornue & le ballon; mais comme ce tube ne plonge point dans l'eau, comme il n'est point bouché par un liquide, au moins jusqu'à ce qu'il en ait passé par le progrès de la distillation, il faut en boucher l'ouverture supérieure avec un peu de lut, & ne l'ouvrir qu'au besoin, ou lorsqu'il y a assez de liquide dans le matras C pour fermer l'extrêmité du tube.
L'appareil dont je viens de donner la description, ne peut pas être employé dans des expériences exactes, toutes les fois que les matières qu'on se propose de traiter ont une action trop rapide l'une sur l'autre, ou lorsque l'une des deux ne doit être introduite que successivement & par petites parties, comme il arrive dans les mêlanges qui font une violente effervescence. On se sert alors d'une cornue tubulée A, _planche VII, fig. 1_. On y introduit l'une des deux substances, & de préférence celle qui est concrète, puis on adapte & on lute à la tubulure un tube recourbé BCDA terminé dans sa partie supérieure B en entonnoir, & par son extrêmité A en un tube capillaire: c'est par l'entonnoir B de ce tube qu'on verse la liqueur. Il faut que la hauteur BC soit assez grande pour que la liqueur qu'on doit introduire puisse faire équilibre avec la résistance occasionnée par celle contenue dans les bouteilles LL'L''L''', _planche IV, figure 1_.
Ceux qui n'ont pas l'habitude de se servir de l'appareil distillatoire que je viens de decrire, ne manqueront pas de s'effrayer de la grande quantité d'ouvertures qu'on est obligé de luter, & du tems qu'exigent les préliminaires de semblables expériences; & en effet si on fait entrer en ligne de compte les pesées qu'il est nécessaire de faire avant l'expérience & de répéter après, les préparatifs sont beaucoup plus longs que l'expérience elle-même. Mais aussi on est bien dédommagé de ses peines quand l'expérience réussit, & on acquiert en une seule fois plus de connoissances sur la nature de la substance animale ou végétale qu'on a soumise à la distillation, que par plusieurs semaines du travail le plus assidu.
A défaut de bouteilles triplement tubulées, on se sert de bouteilles à deux gouleaux: il est même possible de mettre les trois tubes dans la même ouverture, & de se servir de bouteilles ordinaires à gouleaux renversés pourvu que l'ouverture soit suffisamment grande. Il faut avoir soin d'ajuster sur les bouteilles des bouchons qu'on use avec une lime très-douce, & qu'on fait bouillir dans un mêlange d'huile, de cire & de térébenthine. On perce à travers ces bouchons avec une lime nommée queue de rat, voyez _planche I, fig. 16_, autant de trous qu'il est nécessaire pour le passage des tubes: on voit un de ces bouchons représenté, _pl. IV, figure 8_.
§. II.
_Des Dissolutions métalliques._
J'ai déja fait sentir lorsque j'ai parlé de la solution des sels dans l'eau, combien il existoit de différence entre cette opération & la dissolution métallique. On a vu que la solution des sels n'exigeoit aucun appareil particulier, & que tout vase y étoit propre. Il n'en est pas de même de la dissolution des métaux; pour ne rien perdre dans cette dernière, & pour obtenir des résultats vraiment concluans, il faut employer des appareils très-compliqués, & dont l'invention appartient absolument aux chimistes de notre âge.
Les métaux en général se dissolvent avec effervescence dans les acides; or l'effet auquel on a donné le nom d'effervescence n'est autre chose qu'un mouvement excité dans la liqueur dissolvante par le dégagement d'un grand nombre de bulles d'air ou de fluide aériforme qui partent de la surface du métal, & qui crèvent en sortant de la liqueur dissolvante.
M. Cavendish & M. Priestley sont les premiers qui aient imaginé des appareils simples pour recueillir ces fluides élastiques. Celui de M. Priestley consiste en une bouteille A, _pl. VII, figure 2_, bouchée en B avec un bouchon de liège troué dans son milieu, & qui laisse passer un tube de verre recourbé en BC, qui s'engage sous des cloches remplies d'eau, & renversées dans un bassin plein d'eau: on commence par introduire le métal dans la bouteille A, on verse l'acide par-dessus, puis on bouche avec le bouchon garni de son tube BC.
Mais cet appareil n'est pas sans inconvénient, du moins pour des expériences très-exactes. Premièrement lorsque l'acide est très-concentré, & que le métal est très-divisé, l'effervescence commence souvent avant qu'on ait eu le tems de boucher la bouteille; il y a perte de gaz, & on ne peut plus déterminer les quantités avec exactitude. Secondement dans toutes les opérations où l'on est obligé de faire chauffer, il y a une partie de l'acide qui se distille & qui se mêle avec l'eau de la cuve; en sorte qu'on se trompe dans le calcul des quantités d'acide décomposées. Troisièmement enfin l'eau de la cuve absorbe tous les gaz susceptibles de se combiner avec l'eau, & il est impossible de les recueillir sans perte.
Pour remédier à ces inconvéniens, j'avois d'abord imaginé d'adapter à une bouteille à deux gouleaux A, _planche VII, figure 3_, un entonnoir de verre BC qu'on y lute de ma